Prix Jeunes

La nouvelle de l'Espace - 2016

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Merci Gaspard

Par Maxime BAUBE (14 ans)

Mars, la « Belle Rouge », on pourrait presque la croire accueillante, mais cette planète inhospitalière, où règnent des températures extrêmes et un air irrespirable, est très difficile d’accès. Son climat très changeant et ses réactions imprévues en font une source de problèmes auxquels l’homme présent sur Mars doit rapidement faire face.

L’équipage était présent sur la base permanente depuis bientôt deux ans, il s’était acclimaté aux conditions difficiles imposées par cette planète. Depuis des mois ils apprenaient à la connaître, ils avaient dû faire face à beaucoup de situations délicates, faire preuve de courage et d’imagination pour se sortir de situations difficiles afin d'affronter les caprices de la « Belle Rouge ».

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Ce jour-là Thomas, qui était le chef de l’équipage, rentrait sur la base, de retour de ses observations quotidiennes concernant le projet de « Terra-formation » qui devait permettre de rendre la vie possible sur Mars comme sur la Terre. Comme il allait franchir le seuil du sas d’entrée, son attention fut attirée par une sorte de petit caillou qu’il n’avait jamais vu auparavant. En y regardant de plus près cela semblait être une sorte de cristal. Intrigué par sa découverte, il décida de rentrer l’examiner tout à son aise à l’intérieur. Thomas avait appris que sur Mars mieux valait ne jamais rien laisser au hasard. Sur cette planète le moindre grain de sable peut se révéler riche d’enseignement !

Thomas décida donc, avec l’aide de Barbara, vulcanologue réputée, d’analyser ce mystérieux échantillon. L’examen se révéla particulièrement intéressant car il ne fallut pas longtemps à Barbara pour laisser éclater son étonnement :

- Mais c’est du cristal de Cobalt !… Incroyable, comment est-ce possible ?

- Génial ! reprit Thomas… le cristal de Cobalt peut

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absorber de l’Oxygène et le restituer là où c’est nécessaire… Tu vois ce que je veux dire ?

- Bien sûr, allons voir les autres, ça va les bluffer !...

Ils se dirigèrent plein d’enthousiasme dans la salle commune où se trouvaient les trois autres membres de l’expédition : Fernando chimiste de talent, Kevin spécialiste d’astronomie et Ganesh, originaire de l’Inde du sud, véritable génie de la mécanique.

Lorsqu’ils pénétrèrent dans la salle commune leurs trois coéquipiers étaient anormalement attroupés devant le grand écran. Ils se retournèrent. A leur mine déconfite, il était évident que quelque chose de grave était arrivé. Fernando pourtant d’habitude si optimiste s’adressa à Thomas :

- Regarde dit-il, en pointant son doigt vers l’écran… c’est affreux.

En effet, dès que Thomas eut lu le message il devint blême. Ce qui était annoncé était la terrible alliance de l’impossible, du hasard et de la malchance, un tournant

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peut-être définitif qui pouvait mettre fin à la présence de l’homme sur Mars.

Le message de la NASA affiché sur le grand écran était intitulé « Urgence Absolue ». Thomas lut lentement à voix haute l’effroyable information :

« Un astéroïde d’environ 2 kilomètres de diamètre se dirige sur Mars à une vitesse que nous sommes en train d’estimer, sa direction peut l’amener à percuter Mars dans une zone pour l’instant évaluée à environ 80 kilomètres de notre Base. L'impact pourrait se produire dans une fourchette située entre 80 et 84 heures. Prenez toutes les dispositions pour évacuer votre base. Nous allons affiner les données et vous informer. Terminé. »

Le message fut stocké à l’écran sur une icône. Aussitôt après apparut une horloge numérique qui annonçait : 81 h 58 m 23 s... C’était la première approximation du temps restant avant l’impact.

Les cinq restèrent un instant silencieux. Ils pensaient que tout peut-être allait se terminer dans le chaos et ils en étaient bouleversés, pas seulement parce qu’ils allaient perdre la vie : à cela ils étaient préparés et ils avaient

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choisi librement cette merveilleuse et folle aventure, mais ils pensaient à leur mission, à tout ce qu’ils avaient déjà récolté comme informations, à leur responsabilité dans la connaissance du monde. Tout ça perdu, effacé, par une malencontreuse trajectoire d’astéroïde !

Mais leur courage, leur professionnalisme, leur mission même leur interdisaient de s’apitoyer sur leur sort.

- Bon, nous avons du temps, mais il ne faut pas en perdre ! estima Thomas.

En scientifiques expérimentés ils établirent une stratégie pour évacuer les lieux, mettre en état les véhicules pour se déplacer, étudier les possibilités de survie : respirer, s’alimenter, se déplacer, se protéger, organiser une nouvelle base…

La première des choses à faire, précisa Thomas, était de préparer le matériel. Ganesh se désigna tout seul pour accomplir cette tâche. Fernando devra réunir et faire fonctionner tous les instruments qui permettraient de survivre en dehors de la base. Kevin restera auprès de l’ordinateur central et devra calculer dès que les informations de la NASA se préciseront, la route à

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suivre pour s’écarter au maximum du lieu d’impact. Barbara s’occupera de l’intendance sur la base puis mettra en œuvre ses talents de géologue dès que nous serons sur le terrain.

Ganesh avait pour l’instant la plus lourde tâche car réaménager les Rovers, installer et connecter les trois parties servant de chambre, réaménager un laboratoire de fortune et caler tous les gros et petits matériels. Tout cela semblait un travail surhumain et pourtant il s’y attela avec courage. Thomas dut l’aider à plusieurs reprises car la tension et la fatigue commençaient à se faire sentir.

Quand sur le grand écran Thomas vit s’afficher 74 46 25 : il se rendit compte que tout le monde avait travaillé plus de sept heures d’affilée ce qui dans l’espace semblait irréalisable. Alors il prit une sage décision et décida qu’il fallait que chacun dorme trois heures à tour de rôle.

Kevin fut réveillé par le « bip, bip » de l’ordinateur, il s‘était assoupi, un instant vaincu par la concentration et la tension nerveuse. Comme il n’avait pas accusé réception du dernier message le système de contrôle

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demandait une réponse. Il appela Thomas et lui fit lire le message suivant :

« Attention les études de trajectoire de l’astéroïde que nous appellerons Gaspard confirment le lieu d’impact à une distance d’environ 82 kilomètres de la base. Par contre le temps restant va être recalculé car il apparaît que Gaspard se déplace à une vitesse exponentielle. Nous vous aviserons dès que possible. Terminé. »

L’horloge électronique annonçait 59 44 07. Le temps passait vite, trop vite !

Fernando annonça:

-Tout le petit matériel est récupéré, il n’y a pas de difficulté de ce côté-là mais il y a un problème : le poids. Je crains que les Rovers ne tiennent pas le coup.

Ganesh consulté à ce sujet confirma ce souci :

- Je vais y réfléchir, il faut trouver une solution, d’autant plus que nos batteries énergétiques sont lourdes.

Les heures suivantes furent utilisées par Barbara pour

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rassembler et faire l’inventaire de tout ce qui pourrait assurer la survie : réserves alimentaires et oxygène.

Tout à coup, on entendit Kevin s’exclamer : aïe.. aïe.. aïe..

Thomas et Barbara s’approchèrent. Sur l’écran un nouveau message de la NASA leur donna le frisson :

«Les nouvelles mesures que nous avons effectuées indiquent que Gaspard se dirige au Nord-Nord-Est de la base à environ 75 à 80 kilomètres, l’accélération confirmée de la vitesse nous oblige à mettre à jour notre horloge : le temps qui reste actuellement est de 37 18 14.»

Cela rassura Thomas car ils avaient bougrement avancé et il paraissait possible de réaliser cet extraordinaire déménagement dans les temps. Mais tout à coup une idée le frappa : si la collision devait se produire à 80 kilomètres de la base, cela allait produire un vent de sable considérable qui serait dangereux à plus de 150 kilomètres à la ronde. Il fallait donc s’écarter de la base de plus de 70 kilomètres dans la direction opposée. Cela supposait un certain temps car la vitesse des Rovers,

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surtout chargés, ne dépassait guère le 15 kilomètre/heure. Consulté, Ganesh confirma la crainte de Thomas. Il leur expliqua qu’on pouvait construire un Rover puissant à partir de deux Rovers de base.

-Très bonne idée ! s’exclama Thomas. Mais où en es-tu de ton travail ?

- En ce qui me concerne, j’ai terminé d’installer les chambres et je suis sur la fin de l’aménagement du laboratoire de fortune. Pour finir le laboratoire, il me semble nécessaire de consacrer encore cinq ou six heures. Et pour l’aménagement du Rover sophistiqué au minimum une vingtaine d’heures.

- Très bien. Il me semble que nous allons avoir le temps.

On entendit une voix affolée, c’était celle de Kévin qui appelait. Lorsqu’ils arrivèrent devant le grand écran, Kevin s'expliqua :

- L’astéroïde accélère encore. Cela veut dire qu’il nous reste moins de temps que prévu et que l’effet qui se produira lorsqu’il touchera le sol sera encore plus dévastateur.

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- J’ai relancé la NASA pour connaître le temps restant, le résultat devrait arriver d’ici quelques instants.

En effet, après de longues secondes… Ils purent lire : 25 56 23. C’était un coup dur pour les astronautes, mais ils n’étaient pas au bout de leurs surprises :

« Lieu d’impact recalculé à 60km de votre base. Vous allez devoir quitter la base plus tôt pour éviter le vent de sable. Contactez-nous si problème ou question. Nous vous tenons au courant de l’évolution de Gaspard. »

Barbara, qui avait également avancé dans la recherche, annonça qu’il serait judicieux d’installer une petite culture afin de subvenir aux besoins en nourriture.

Ganesh qui travaillait sur son Rover annonça qu'il était plus grand que prévu, et compte tenu des places disponibles, on pourrait peut-être installer une petite culture à l’arrière du véhicule.

- Très bonne idée ! s’exclama Barbara, ainsi nous aurons besoin de produire moins d’oxygène puisque les plantes en rejetteront.

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Une fois ces travaux réalisés par chacun, il ne restait que peu d’heures pour s’éloigner suffisamment de la base.

- Est-ce que tout le monde est bien prêt à dégager ? interrogea Thomas.

- Oui, le véhicule est prêt, confirma Ganesh.

- En ce qui me concerne, annonça Barbara, j’ai terminé d’installer la culture et les vivres ainsi que l’oxygène.

Kevin déclara qu’il restait : 10 32 05 et qu’il fallait absolument partir dans les minutes qui suivaient sinon il n’y aurait aucun espoir de s’en sortir vivant.

Une fois dans le Rover, il décréta :

- Nous n’avons pas droit à la moindre erreur…

Pour échapper à la tempête de sable que provoquerait Gaspard, il fallait basculer de l’autre côté de la montagne qui abriterait alors le Rover.

Quelques heures plus tard, Thomas sentait que la tempête approchait, heureusement ils n’étaient plus qu’à

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quelques minutes du col. Kevin pouvait lire sur le compteur 4 min 20 sec avant qu’ils soient rattrapés. La tension omniprésente, était à son paroxysme.

- Allez, vas-y, accélère ! hurlait Thomas

- Encore 30 sec… nota Kevin

Ouf ! ils basculèrent de l’autre côté du col juste à temps. L’adrénaline retomba en même temps que le Rover descendait la montagne. Une fois à l’abri de la tempête, ils eurent quelques jours de répit pour explorer les alentours...

Un jour que Ganesh était au volant du Rover, leurs yeux s’arrêtèrent sur un étrange rocher. Ils stoppèrent et descendirent du Rover. Le regard de Barbara inquiéta Thomas.

- Qu’y a-t-il Barbara ?

- Je n’ai jamais vu la Nature faire une telle chose, répondit Barbara

- Ce rocher est très bizarre, ces lignes trop parfaites, cette symétrie absolue…

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- Tu as raison ce rocher ferait plutôt penser à un reste de quelque chose, une épave, mais une épave de quoi ?

Tout ça était vraiment bizarre … on aurait presque dit que l'objet avait été « façonné »... mais alors ,
c'était quoi ?

Ils reprirent la route et se retrouvèrent dans un cirque entouré d’immenses montagnes. Barbara qui était très attentive à tout ce qui se passait au dehors remarqua qu’il y avait une dizaine de grands cristaux de 3 à 4 m de hauteur, écartés les uns des autres de plus de 20 m, qui avaient sûrement un poids gigantesque.

Cet arc de cercle de plus de 300 m faisait face à un grand trou qui ressemblait fortement à l’entrée d’une grotte. Kevin qui examinait ces grands cristaux découvrit que l’un d'eux était particulièrement éclairé. En effet la lumière du Soleil était réfléchie par ce grand cristal qui renvoyait les rayons exactement dans l’entrée de la grotte. Ce phénomène produisait une lumière éblouissante qui empêchait de voir l’intérieur du trou. Armés de leur visière solaire pour se protéger des rayons, ils décrétèrent qu’il fallait quand même

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s'approcher de cet antre mystérieux, et en fonction des conditions d’approche, éventuellement y pénétrer. Une fois arrivés devant sans encombre, la curiosité l’emporta, et ils jugèrent intéressant d’entrer.

Pour une fois la chance s’était invitée à leur exploration. Ce qu’ils découvrirent à l’intérieur les laissa bouche bée : des espèces végétales vivantes foisonnaient de tous côtés. Il y avait de la Vie… sur Mars !!! On se serait cru en Amazonie ou dans une oasis luxuriante... Il y avait d'immenses feuilles vertes qui retombaient sur leurs têtes, l'endroit était magique, gorgé de ressources et de vie.

- C’est un miracle ! s’exclama Fernando.

Thomas commença à raisonner à voix haute: pour que des végétaux se développent il faut que quatre éléments soient réunis : la lumière, la chaleur, l’eau et l’oxygène. La lumière du soleil lorsqu’elle est réfléchie, voit sa luminosité pratiquement doublée ; quand elle s’infiltre dans la grotte, dont les parois sont couvertes de plaques de cristal, elle se reflète à l’infini entre les parois, elle circule en circuit fermé ce qui augmente la chaleur. L’eau

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provient des blocs de glace situés au fond de la grotte qui fondent légèrement, quelques minutes par jour sous l’effet de cette chaleur. Quant à l’oxygène, il est restitué par les cristaux de cobalt qui tapissent la grotte. Ces quatre éléments réunis permettent à la vie de se manifester, d’où ce foisonnement végétal.

Devant cette merveilleuse découverte une euphorie générale s’empara de l’équipe. Cependant quelque chose semblait tracasser Thomas:

- Je n’avais jamais vu de cristal de Cobalt sur Mars, sauf ici et sur ma base, il ne peut se développer sur du plastique ou de l’aluminium, de plus, quand je l’ai découvert sur un pilier de la base il n’aurait pas pu y arriver tout seul.

- Quelque chose ou quelqu’un l’aurait donc transporté ?

A cet instant précis une question se fit omniprésente dans l’esprit de Thomas qui pensa à l'objet façonné qui lui avait fait penser à une « épave » la veille :

Etions-nous vraiment les seuls sur cette planète ?...

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En tout cas, cette fantastique découverte avait pu voir le jour grâce à...

et il songea : « Merci Gaspard! ».

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